ASSEZ PARLE DE VOUS

Assez parlé de vous, assez parlé de soi

Les années dans le noir sont à la solitude

Avec vers le couchant le berceau des suicides

Il pleure tellement sur la peau nue du monde

De cendres d’oppression d’ennui et d’amertume

Il faut être perdant pour interpréter l’ombre

Et la voix qui se fend sur des chagrins de pauvres

Comme se tait le temps sur une page blanche

O la suie qui refait l’horizon des défaites

Quand on marche à genoux sur les braises des maîtres

Assez parlé de vous qui confisquez l’histoire

Officiels du spectacle réjouis de tout bord

Lardés de certitudes avalées à grand bruit

Régurgitées cent fois pour édifier la plèbe

Sur des récifs amis qu’un fanal naufrageur

Fasse signe de loin aux galions de commerce

Qu’on arme les galères à la faveur de l’ombre

Dont le froid arrogant enserre nos abris

L’ennemi sur les mains a du sang statistique

Mais la force pâlit quand le flot se soulève

Assez parlé de vous les cœurs sont aux tempêtes

Déjà des fissures étoilées hantent les murs

Eclate le silence annonciateur d’éclats

Et la peur qui bavarde à longueur de radios

Malgré son maquillage élargit sa grimace

Fatiguée obsolète il est trop tard sans doute

Le temps que vous comptez n’est que votre invention

Réprimer interdire à chaque inspiration

Conforte cet ardent néant qui vous espère

Comme épilogue sûr d’une malédiction

Hommage à la défaite





Pour la défaite enfin des troncs inaccessibles
Arrachés à la terre comme par la colère
Des sexes érudits aux amours libertaires
Planqués entre jardins abandonnés des cartes


Pour la défaite enfin des femmes et des hommes
Qu’aucun état - civil ne pourra résumer
Etrangers au désert des zones commerciales
Où des foules clonées s’entrecroisent en vain


Pour la défaite enfin des biographies sans nom
Des cohortes d’écrits renaissant de leurs cendres
Inscrites à l’inutile inquiétant l’ordre mort
Vouées à presque rien hormis au bord du vide


Pour la défaite enfin le présent sans futur
Le temps sans sablier aux heures insidieuses
La folie généreuse au sourire grinçant
Et le cœur en avant sans espoir aux aguets


Pour la défaite enfin des sororités rares
Des fraternités chaudes et la brise gratuite
L’amour de chats errants et de chiens libérés
Le regard infini de l'espace profane
Enfin pour les vainqueurs des chaînes numériques
Aux cryptogrammes fous contrôlant leur sommeil
Des yeux électrifiés des enceintes sans porte
Des toits doublés de plomb comme caveaux d’églises


Enfin pour les vainqueurs des plages saturées
D’huiles mêlées aux corps de sable synthétique
Des galeries marchandes où des couples affairées
S'alignent aux scanners scrutant les codes-barres


Enfin pour les vainqueurs des obésités promptes
Des édulcorants neufs des fleuves d’inertie
Le verbe péremptoire et la haine assortie
Le goût du sang futur des tortures ordinaires


Enfin pour les vainqueurs la religion geôlière
Ecrasant d’interdits la vie instantanée
D’âpres cours d’injustice aux peines incompressibles
Des armes capitales et la peur sans contrôle


Enfin pour les vainqueurs des puces sous la peau
Afin de devenir des êtres « augmentés »
De polices absolues nécro-technologiques
Transhumanistes entiers d'apocalypse en marche






L’honneur de la défaite inonde les perdants
Sous leurs pas étouffés s’ouvrent des fleurs de soufre
L’enfer n’a pas de sens pour qui s’offrent chemins
Que l’on suit à rebours quand le monde s’écroule